Domaine de Taintignies : la solidarité et la détermination des travailleurs ont payé

16/05/2019 | FR / NL

C’est un conflit d’une longueur historique et particulièrement emblématique qui s’est tenu au Domaine de Taintignies (une maison d’éducation et d’hébergement située dans la région de Tournai, qui emploie 80 travailleurs et accueille 87résidents handicapés de nationalité française). Depuis le 18 février dernier, les travailleurs étaient en grève : l’axe principal de la contestation résidait dans une prise en charge totalement déficiente en raison des économies souhaitées par un management délictueux et des conditions de travail indignes. Après 46 jours de combat, des mesures ont enfin été mises en œuvre pour imposer à l’employeur de se mettre en conformité sur toute une série de points dénoncés par les organisations syndicales. Retour en détails sur ce combat exemplaire avec Catherine Boel, Secrétaire Régionale du SETCa Tournai.

Catherine Boel : « Le 6 février, les organisations syndicales ont introduit une demande conciliation pour dénoncer des dysfonctionnement intolérables au sein de l’organisation. Les travailleurs étaient à bout depuis de nombreux mois et devaient faire face à des conditions de travail extrêmes mais aussi à des conditions d’accueil inhumaines pour les résidents. Nous parlons de faits de maltraitance, de manque de nourriture et de matériel à cause d’un management frauduleux et de moyens insuffisants mis en oeuvre pour assurer le bien-être des personnes prises en charge au sein de l’institution. La direction et la fédération patronale ont refusé de participer à cette conciliation, ce qui a déclenché le mouvement de grève. Celui-ci a duré 46 jours.»

C.B. : « Le dossier que nous avons introduit auprès de la Ministre était aussi épais qu’une boîte à archives. Il comportait 19 volets, dont le plus important était celui consacré au bien-être des résidents. Au niveau de l’Aviq, nous avons introduit une plainte collective officielle signée par les travailleurs grévistes et ceux qui soutenaient la grève. Dans ses conclusions, l’Aviq a finalement reconnu que 98% de nos plaintes étaient des griefs fondés. Il a également dressé toute une série d’observations et de mises en conformité qui doivent obligatoirement être réalisées, comme l’engagement d’un directeur pédagogique, l’engagement de personnel supplémentaire (6 équivalents temps plein). Lors de la dernière réunion en commission paritaire début avril, un gestionnaire de crise a finalement été désigné. Pendant ce temps, la direction se retire volontairement. Cela a été un grand soulagement pour tous. Le travail a entretemps repris. »

C.B. : « Nous sommes soulagés mais la vigilance reste de mise… Les travailleurs ont été profondément marqués par les épreuves qu’ils viennent de traverser. Ils ont fait preuve d’une détermination et d’une solidarité exemplaires et cela a porté ses fruits puisqu’ils ont été entendus. La grosse différence avec d’autres combats du même type dans le secteur est qu’ici, il n’y a pas eu de service minimum instauré par l’employeur. Pour chacun des travailleurs,  il s’agit donc de 46 jours de salaire qui ont été réellement perdus. Cela a soudé tout le monde. La longueur du conflit a également permis que les langues se délient. Depuis deux ans et demi, il y a avait une telle pression dans l’institution que les travailleurs souffraient mais se taisaient. le conflit a permis de mettre au grand jour toutes leurs difficultés, de pouvoir s’exprimer sur la réalité de la situation et de ne plus avoir peur. Les travailleurs ont repris le travail la tête haute, ils étaient heureux de retrouver leurs résidents et réciproquement. »

C.B. : «  J’imagine ce qu’il doit se passer dans des institutions du même type où il n’y a pas de délégation syndicale, où il y a aussi des montages financiers, des conditions de travail inacceptables et où le bien-être des résidents est mis en danger… Le SETCa et la CNE ont été le seul vrai filet de protection des travailleurs et des résidents. Il faut également que les politiques prennent leurs responsabilités pour éviter les dérives et les abus de dirigeants frauduleux. Les contrôles doivent être intensifiés, notamment en ce qui concerne l’utilisation des moyens octroyés par les pouvoirs publics (que ces moyens soient belges ou français).Ce combat est un exemple à suivre dans ce secteur ou les autres du Non Marchand.  Les travailleurs ne doivent pas craindre de dénoncer leurs conditions de travail ou des prises en charge inadaptées ou déficientes. Nous sommes et serons toujours à leurs côtés. La peur doit changer de camp »


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